L'archipel
Jean Lemoyne et Paul Messier, chasse aux canards
André Côté, piégeage du rat musqué
Jean Lemoyne, chasse au cerf de Virginie
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ENTREVUES
(9 minutes 53 secondes)
ENTREVUE DE JEAN LEMOYNE ET PAUL MESSIER
Jean Lemoyne : Moi, je m'appelle Jean Lemoyne. Je suis un résidant de Sainte-Anne-de-Sorel et je pratique la chasse aux canards depuis 24 ans. Paul Messier : Paul Messier, natif de Sorel-Tracy, je pratique la chasse aux canards depuis 25 ans minimum.
Jean Lemoyne : Et puis, on est dans la Baie de Lavallière, située à Sainte-Anne-de-Sorel. Ce matin quand on est venu pour se placer, on a eu une petite surprise. Le marais était gelé. On a dû s'en venir ici en cassant la glace.
Paul Messier : Cette année, ça a ouvert le 22 septembre. D'habitude, ça ouvre la fin de semaine, le samedi. Puis, ça dure jusqu'à la fin décembre. C'est la période de chasse.
Jean Lemoyne : Idéalement, c'est d'aller à la chasse là où il y a déjà des canards parce qu'avec les niveaux d'eau qui sont changeants, les canards peuvent changer de place. On essaie de trouver une place où il y en a déjà. Alors, on sait que l'habitat est beau pour le moment pour eux-autres. À ce moment-là, il reste juste à les attirer avec des appelants.
Ce qu'on peut prendre c'est six canards par jour, par permis. Avant le 1er novembre, tu as le droit à deux Canards noirs. Après le 1er novembre, tu tombes à quatre Canards noirs. Et, tu as tout le temps droit à une Sarcelle à ailes bleues.
Les espèces de canards dépendent de l'endroit où tu chasses. La plupart du temps, nous-autres, on chasse dans un marais alors c'est le Canard colvert, le Canard noir, un petit peu de Sarcelle. Si on allait à l'eau claire, sur le lac, on peut tuer plus du canard plongeur. Paul Messier : Des Fuligules, des Garrots, des choses comme ça.
Mais là, depuis que le mode agricole a changé, il y a moins de champs de foin. Les champs sont fauchés plus de bonne heure. Il y a deux, trois tontes de champ de foin par année. La Sarcelle à ailes bleues a de la misère à cause de ça. C'est vrai pour ici, localement, mais si tu vas dans l'est du Québec vers Kamouraska, l'Île Verte, là il y en a un petit peu plus de Sarcelles à ailes bleues parce que l'agriculture a changé, mais pas tant que ça dans ces coins-là.
Jean Lemoyne : Ce qui a changé, moi, je pense c'est la fluctuation des niveaux d'eau. Comme cette année, il n'y a pratiquement pas eu d'eau. Il y a beaucoup de marais qui étaient inaccessibles en petits canots parce qu'il n'y avait pas d'eau. Et par le fait même, l'habitat change. Il y a moins de canards aux endroits où on allait habituellement.
Paul Messier : Il y a tout le contexte. Passer la journée dehors. Observer des oiseaux, parce qu'on est des observateurs d'oiseaux aussi. Le coup de fusil avec le canard que tu ramènes, c'est comme facultatif.
ENTREVUE D'ANDRÉ CÔTÉ
Bonjour, mon nom est André Côté. J'ai 65 ans et je trappe depuis l'âge de 18 ans. Comme plusieurs trappeurs de la province de Québec, j'ai trappé le rat musqué. On a commencé par le rat musqué. Dans la région de Sorel, des îles de Sorel, le rat musqué c'est peut-être l'animal à fourrure qui est le plus trappé, qui est le plus recherché. Premièrement, parce qu'il est abondant; deuxièmement, parce que techniquement c'est pas difficile à trapper.
Le trappage a évolué beaucoup depuis 20 ans et ça s'en va en diminuant. Pourquoi? C'est parce que le trappage n'est plus financièrement aussi payant qu'il l'était autrefois. Quand on dit que c'était payant, on est dans les années 1940, 1950 autour de la guerre et surtout avant. Il y avait peut-être au Québec un trappeur par village. Il gardait ses secrets bien gardés. Il n'en parlait pas justement parce que c'était son métier.
Aujourd'hui, c'est complètement différent même si on est classé comme trappeur professionnel parce qu'on fait partie de l'Association des trappeurs gestionnaires de la province de Québec. Il y a peu de personnes qui vivent de trappe.
Pourquoi, moi, j'aime trapper? J'aime trapper parce que c'est une question de solitude. Je suis bien. Je suis tout seul. Je suis dans la nature.
Si on se fie à la religion catholique, le vendredi on n'avait pas le droit de manger de viande. Ce qui venait de l'eau, les poissons, les grenouilles, les rats musqués, les canards, les bernaches, ce n'était pas considéré comme de la viande. Les gens, au printemps, ça leur donnait une raison de manger, entre guillemets, de la viande le vendredi. Le trappage du rat musqué était à ce moment-là populaire pour deux raisons, et pour ramasser la fourrure et pour la viande aussi.
Ce qui peut influencer la diminution du rat musqué, qui va influencer aussi la diminution des trappeurs : premièrement, il peut y avoir la quenouille. Il y a de moins en moins de quenouille dans nos marais. Parce que la phragmite est une plante compétitive pour la quenouille. La quenouille c'est la plante idéale pour le rat musqué. Il s'en nourrit et il fait sa hutte avec ça. La phragmite, il ne s'en nourrit pas. Il peut en faire des huttes mais ça n'a pas la même qualité d'isolant. Le deuxième facteur, c'est qu'on brûle peut-être la chandelle par les deux bouts. Depuis quelques années, on a le droit de trapper le rat musqué et à l'automne et au printemps. Autrefois, on avait le droit juste au printemps. La raison pourquoi on a le droit à l'automne est scientifiquement bonne : ça dépend des années. Entre 50 et 70 % de la population des rats musqués qui vivent au mois d'octobre et au mois de novembre ne passeront pas à travers l'hiver. C'est comme de la fourrure perdue. Alors, ils nous ont donné la permission de les trapper à l'automne. Mais là, on les trappe à l'automne et on les trappe aussi au printemps. Au printemps, ce sont les animaux qui ont réussi à passer à travers l'hiver. Donc, ce sont nos géniteurs les plus forts. Écologiquement, on ne devrait pas les trapper au printemps étant donné qu'on les trappe à l'automne.
Techniquement, on va regarder un peu comment ça fonctionne. Le rat musqué ici est un rat musqué qui a été attrapé hier, un rat musqué d'automne. Le rat musqué, il faut que la fourrure soit séchée. Toute fourrure qu'on veut écorcher, c'est-à-dire enlever la fourrure dessus l'animal, il faut qu'elle soit complètement séchée. Une fois la fourrure descendue, ça nous donne comme ça. On appelle ça un écorchage en gant parce qu'on a ici le nez, les yeux et les oreilles et un petit bout de queue qu'on garde pour étirer la peau. On la dégraisse et on la met sur un moule. Nous les trappeurs, on vend la peau séchée. On appelle une peau brute, c'est-à-dire qu'on ne tanne pas la peau. Celle-ci est prête à vendre. Si on la fait tanner, ça donne ça. C'est vraiment différent. Plusieurs personnes pensent que le trappeur vend les peaux tannées. Non, non. Tanner, ça c'est un autre métier. On ne s'occupe pas de ça. Un trappeur, aujourd'hui, il est heureux quand il le fait pour le plaisir. Même si on nous dit trappeur professionnel, quand on le fait pour le plaisir, on n'est pas déçu. Mais quand on le fait dans le but de se ramasser une somme d'argent précise, ça se peut qu'on perde notre sourire.
ENTREVUE DE JEAN LEMOYNE
Bonjour, mon nom c'est Jean Lemoyne. Je suis en train de me préparer à chasser le chevreuil à l'arc. La première année que j'ai chassé ça c'est en 1996 et puis, depuis ce temps-là, je chasse toujours dans la Baie de Lavallière et toujours à l'arc. Là, présentement, on est le 6 novembre. Habituellement, j'ai tué durant la première semaine d'ouverture qui est pratiquement tout le temps à la fin de septembre. Mais aujourd'hui, le 6 novembre, c'est particulier. Je n'ai pas tué de chevreuil et c'est pour ça que je continue. La chasse au chevreuil à l'arc, ça consiste à attirer le chevreuil à un endroit particulier parce qu'avec l'arc on ne peut pas nécessairement chasser bien loin. Comme moi, là où est mon stand, je suis à 10 mètres de mon site d'appâtage. J'ai commencé à mettre des pommes au mois de juillet. J'ai ramassé des pommes un peu partout que les gens ne voulaient pas, que je suis venu déposer ici. Je suis venu mettre des pommes jusqu'à la chasse et même, je vais continuer encore parce que je n'ai pas tué de chevreuil.
J'essaie d'arriver peut-être une heure et demie avant que le soleil se lève pour que la magie tombe.
Je m'assois dans mon stand. Les odeurs tombent. À un moment donné, je me confonds dans la nature. C'est comme s'ils ne savent plus que je suis là. Puis, là j'attends. L'année passée à trois reprises, vers 6 h 05, je regardais ma montre à tous les jours, pendant trois jours de temps, il y avait un Petit-duc maculé qui venait sur une de mes branches. J'ai une branche à côté de mon stand. À tous les jours, pendant trois jours de temps, à 6 h 05, il était vraiment cédulé, il arrivait à se percher à deux pieds de moi et il me regardait. Le Petit-duc me regardait cinq secondes, dix secondes. Après ça, il quittait et il s'en allait à son nichoir. J'ai des nichoirs ici, des nichoirs à Petit-duc maculé. Ça m'a été fourni par la Société d'aménagement de la baie Lavallière. Il descendait et s'en allait dans son nichoir.
Ce que j'aime le plus, c'est d'être dans la nature. Je suis quelqu'un qui est toujours dehors. Puis, du fait que j'ai beaucoup de passions qui sont l'ornithologie, les arbres. Puis, du fait que je vienne ici et que je m'assois dans mon stand pendant une, deux heures, trois heures toutes les fois que je viens, je combine tout. Je vois des oiseaux. Je les observe. Je chasse. Et puis, c'est ça que j'aime.